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Par touches, une certaine prise de conscience s’opère dans l’esprit des enfants rendus à l’état sauvage ; Enfants que l’on n’a pas cessé d'affamer pendant des décennies. La révolte des sauvageons, même écervelée, même échevelée, est un signe de bonne santé en définitive.
- Tous ces empaffés, en train de se pâmer toute la journée avec l'argent public, droit dans leurs écrase-merde à douze mille. Ils ferment la chasse aux Ortolans, puis nous désignent comme gibier. Y s'prennent pour qui ?!
- Et après, on te dira : coupable, mais pas responsable.
- Non, c'est l'inverse.
- Tu te plantes mon pote, c'est pareil, de toute façon pour eux : Acquittés !!! Ou exemptés de peine.
- Responsable mais pas coupable, coupable mais pas condamnable, et toi, tu tires une broutille pour survivre, tu prends douze mois fermes.
- Ils ont beau jeu de nous condamner, de désigner notre sauvagerie pour justifier leurs brutalités. Mais notre sauvagerie à nous, elle n'est même pas proportionnelle à leur barbarie !!!
- Non mais tu les entends ces bédaux à la radio ?!!! Justice, police, gendarmes redéployés, juges pour enfants, centres de placement... Pour la répression, des tunes, ils en ont.
- Et rien en vue pour les écoles et les quartiers déglingués.
- Sauf quand il y a valises à se partager.
- Strict contrôle, mineurs enrôlés dans leurs geôles, dispositifs éducatifs renforcés, et pas le moindre kopeck pour soigner les causes.
- C'est pas pour dire, mais ça commence à m'courir.
- Ils ont commencé par massacrer nos parents sous nos yeux, charrettes après charrettes.
- T'as des mecs dans la cité, leur boulot, c'était leur vie. Ils auraient donné leur vie pour leur entreprise et pour leur pays. Plus d'un l'a fait. On les a emboucanés. Le patronnât et les syndicats leur avaient fait croire que... Et eux, ils les croyaient, car c'étaient des gens de cœur les ouvriers, nanani-nanana...
- Et voilà l'traivail... On les traites de fainéants à présent ces mecs ? Nos vieux.
- J'me prends souvent la tête avec mon daron là-dessus. Mais papa, que j'lui dis, je n'veux pas être comme toi, OS ou contremaître, à visser des boulons et à me serrer la vis, avec la trouille quotidienne d'être viré comme un chien, pour faire plaisir aux carnassiers de la bourse. Pas question de me faire exploiter comme tu l'as été. Tu devrais être fière de moi. Je ne me laisse pas faire, ma seule richesse, c'est ma dignité. Sans le savoir, tu m'as appris quelque chose d'essentiel, ce que je ne veux pas être, c'est déjà ça. Pour le reste, on verra bien.
- Si je m'essuyais les pieds sur les vêtements de leurs parents, tous les soirs, pendant toute leur enfance, que diraient-ils, que feraient-ils ?
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Croire que les enfants sont aveugles, c'est se foutre une paille dans l'œil. On ne s'appuie que sur ce qui résiste est-il dit. Le granit de la méchanceté appliquée aux gens gratuitement sous les yeux de leurs enfants est à coup sûr un bon marche pied dans l'escalade qui nous occupe. Il existe une forme de haine, légitime, qui puise sa force aux racines de l'homme. Il ne faut pas mettre en route inconsidérément l'instinct de conservation des gens, et se plaindre ensuite de ses manifestations.
- Les temps changent - comme dirait l'autre. Mais pour nous, dans les ghettos, c'est toujours la même chose. En pire, d'une année à l'autre. T'as vu les mômes là-bas !!! C'est le nouvel arrivage, tout frais, tout frétillant. Chaque automne, ils sont de plus en plus nombreux à rester sur le carreau. Nous, à côté, c'est de la rigolade.
- Nous, on arrive encore à se limiter. Mais eux... ils n'en ont plus rien à foutre de tout, puisque personne n'en a rien à foutre d'eux alors qu'ils ne sont encore que des enfants. Et rien, toujours rien de sérieux à l'horizon de la compassion. Pas une mesure pour les morpions si ce n'est la répression, le bâton.
- Ça, tu l'as dit bouffi. On a encore d'la marge si on veut les rattraper.
- Normal, ce sont nos aînés.
- 22 !!! v'la les poulets...
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La génération bof se casse, la génération baffe rapplique aussi sec qu'un coup d'trique. C'est comme le palud avec la nivaquine. Au fil des générations, ça se vaccine, et ça devient de plus en plus virulent. Y'a k voir un peu partout. Presque chaque jour, la Cité raisonne comme un tambour. Roulements sourds, crépitement de pétards, gyrophares, appels radios, ronron des magnétos, rodéos - des marais montent les moustiques, par vagues, puis disparaissent un temps, le temps de reforger les dards et de les recharger dare-dare de mal-à-rien. Entre deux vagues, harcèlement incessant des lambdas. Guerre des nerfs, guerre d'usure, guerre psychologique, guérilla urbaine... bourdon à tous les balcons. Mesurettes en réponse, consternations, répressions, lignes Maginot de poulets démoralisés, rien y fait, le djebel avance - comme le désert dans nos têtes. L'Intifada du caberlot collectif est en marche. Tireurs isolés, groupes organisés, tirant sur tout c'qui bouge sans revendiquer, voilà ce à quoi peut mener le désespoir qu'on leur fait. Téléphones cellulaires, scanner, Internet, voitures leurre ou bélier, cocktails Molotov, feinte, esquive, attaque, retraite... Sans compter que les ceux-qui-souffrent-injustement ont de plus en plus de diplômés dans leurs rangs.
- Si t'en as qui ont le droit d'inventaire, t'en as d'autres pour qui cela devient un devoir. Les anciens n'ont pas obtenu la sécu et les congés payés en se tapant un cul dans des cages d'escaliers. Il a fallu qu'ils se frittent. Je crains qu'il faille en repasser par là, parce qu'ils ne nous laissent aucun autre choix.
- Putain !!! On voit qu't'as eu ton BAC+bidule toi.
- Et il y en a de plus en plus chez nous des Bac machin. Ils ont joué le jeu à fond, Ils ont fait des études sérieuses. Ils ont bossé dur sans se laisser détourner, ni décourage r- ils ont bossé, bossé, bossé - malgré la grisaille, les représailles et la racaille (la caille-ra comme on dit chez les rats). Ces mecs et ces nanas ont mis le paquet pour obtenir leurs diplômes, avec mention, rubans, félicitations. Ils ont trimé comme des nazes, pendant que leurs parents faisaient ceinture pour qu'ils réussissent.
Aujourd'hui, personne n'en veut. Ils viennent d'ici, du sud, ou d'ailleurs, ils ne viennent jamais de là où il faut pour avoir du boulot. Et tu crois que c'est juste ça ? Pourtant, ils ont persévéré malgré les difficultés, contre vents et adversités, ils ont largement prouvé, souvent bien plus qu'une jolie tête blonde des beaux quartiers, qui avait tout pour réussir. Réponse du marché - aller, du balai.
- Il arrive un moment ou non seulement c'est un droit de se rebeller, mais c'est un devoir. C'est le devoir de défendre nos droits les plus élémentaires : le droit de manger à notre faim, le droit de boire de l'eau pure, nous et notre descendance ; le droit de dormir sur nos deux oreilles sans crever de froid ; le droit de savoir, de connaître, d'apprendre, de nous cultiver, le droit de travailler, de nous distraire et de faire l'Amour en Paix ; le droit d'exister en somme dans la dignité, que nous soyons jaunes, rouges, noirs, cafés crèmes, blancs, et pourquoi pas, des petits hommes verts. Après tout, nous ne sommes que des banlieusards de l'univers?
- T'as trop fumé ou quoi ?
- Mais non j'te dis, il a fait des études, crois-moi. Mais pour Youssef, y'a pas besef. CES-DESS même succèsS, t'es déçu si de DSU tu cherches l’issue.
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Alors,
sauvageons,
sauvageonnes...
- Ils en ont d'bonnes.
Sauvageons ta mère ouais...
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Ce qui n’aura pas été fait par générosité de cœur
finira bien par être accompli
par soucis d’économie.
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