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Cent mille graines de sauvageons tombent chaque année des branches de l'éducation nationale
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- qui s'en lave les mains –
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car tout le monde s'en fout.
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Il fut un temps où cinquante mille d'entre ces sauvageons en herbe de chat trouvaient encore à s'incinérer, sans broncher, dans le train-train des petits boulots précaires, mal payés - au lance-pierre et à la trique. Clopin clopan, ils se hissaient en claudiquant sur l'échelle des salaires, dans la hiérarchie des boulots à la con, du c'est Dédé au c'est Deï.
Sur les cinquante mille restants, il y en avait, à la louche, vingt-cinq mille qui se débrouillaient, de dispositifs craignos en stages don-bi, à se bidonner de rire jaune via des antennes boiteuses et autres carrefours joyeux, d'où tu ne peux ressortir entier, qu'en empruntant un sens interdit.
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Mais si,
car c'est ça
ou la lobotomie.
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Restaient les vingt-cinq mille derniers, le fond de la gamelle (dit-on en haut lieu quand on parle d'eux), les laissés pour compte, la graine de sauvageons en germination.
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Vingt-cinq mille + Vingt-cinq mille + Vingt-cinq mille... et ainsi de suite, ça se superposait par couches successives, années après années, sans que personne ne s'en émeuve jamais, ou pas plus qu'ça. Du moins tant que toute cette souffrance infligée à des enfants ne se manifeste
- Sans manifeste -
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... pour le moment....
Aujourd'hui, ce ne sont plus vingt-cinq mille graines de sauvageons qui viennent se rajouter "au stock déjà constitué", mais de cinquante à soixante mille,
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en plus,
en plus,
chaque année.
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Les petits boulots précaires à la con,
noir et/ou gris,
c'est pour les bacheliers à présent.
Quant aux sauvageons rendus à l'état sauvage, les ceux qui échappent au suicide, aux bavures, aux agressions, aux ratonnades et autres câlins ; Ceux qui échappent aussi à tous ces circuits à deux sous qui se court-circuitent par en dessous ; Les sauvageons sauvages inscrits sur aucune liste ; Vouloir nous faire croire qu'ils roulent sur l'or des barrettes de shit, c'est vouloir détourner notre attention, pour mieux les enterrer vifs.
Combien sont-ils vraiment ces mômes, à vivre au quotidien, sans projet pour le lendemain, avec une seule obsession ?
- Savoir où tu pourras dormir ce soir, et de quelle façon tu vas te procurer de quoi manger, juste de quoi manger.
Combien sont-ils exactement ?
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Top secret !!!
Secret défense.
Pire encore !
- On ne veut pas l'savoir, circulez, y'a rien à voir.
Dans les wagons du désespoir,
grappes d'enfants dégazés
en partance pour le pressoir.
Pas de sentiment pour les sauvageons.
On dit aussi :
- les gogols et les loulous.
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dans certains centres de formation et dans certains bureaux de l'administration.
- Quand tu n'as pas de lendemain, tu es là, dans le blizzard des annonces publicitaires, faim, froid, peur, du matin au soir, du soir au matin. Il y a les gens qui te regardent de biais, ta santé qui part en eau d'boudin, ton moral détricoté jusqu'aux coutures. T'as beau faire des efforts, non seulement on t'a balancé au fond du port, dans les eaux troubles du mépris et du cynisme collectif, mais en plus, t'as les deux pieds dans le ciment de tes angoisses et de tes souffrances.
Les notions de temps, le psychisme, le métabolisme sont tout chamboulés. L'esprit vire. Une incompréhension s'installe alors. Le simple fait de dire manger, lorsque tu t'empiffres tous les jours,
En légiférant à tous bouts d’vents,
n'a pas la même signification que pour celui qui crève la dalle tout le temps. Boire, dormir, se vêtir - ces choses présentées comme si simples à obtenir - n'ont plus du tout la même dimension dans la chair et dans l'esprit de celui qui n'a rien.
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Jour après jour.
Et depuis toujours.
- Tous ceux qui organisent cette infamie, tous ces juges et parties, les ceux qui se bâfrent et qui te condamnent aux foudres de la police et de l'injustice, feraient bien de venir parmi nous quelque temps, sans leurs cartes de crédit et sans leurs Quo Vadis. Alors ils verraient. Et ce ne sont pas leurs experts, tout amidonnés de certitudes, qui peuvent leur donner la moindre idée de ce que c'est exactement que de crever à petit feu, en commençant par la tête.
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T'as pas eu d'bol dans la vie ?!
Alors la "castre" des dirigeants et leurs valets te condamne définitivement. Elle te passe par le fil de son couteau de poissonnier, par le tranchant de son insignifiance, en prenant tout son temps. Elle commence d'abord par t'écailler tout frétillant dans les frigidaires de l'éducation nationale, puis elle t'éventre en s'étonnant de tes hurlements. Dans la foulée, te voilà ébouillanté dans le bouillon de la culpabilité qu'elle t'instille, pour te pousser au suicide. Si tu résistes à ce traitement, elle t'arrache méthodiquement les tripes, avec les doigts puants de sa bonne conscience :
- Après tout, c'est la faute des parents !
Vient le tour des poumons du sauvageon, puis de son cœur palpitant. Pour finir, la caste des grands le juge et l'enferme dans des camps, parce qu'il pisse le sang ; dans des camps qu'elle nomme pudiquement
"Prisons".
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Quatre-vingt pour cent des jeunes détenus
sont des prisonniers politiques.
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- De guerre, oui. De leur putain d'guéguerre économique.
Bravo !!!
Bravo pour cet immense dessein qu'on nous propose - fouler au pied la multitude à quelques-uns - la fouler comme du raisin pour qu'elle pisse le sang, avant de recouvrir les gémissements des gens dans des fosses médiatiques, creusées pour les réjouissances.
Encore bravo !
Et vive l'Euro !!!
Oh !! Pardon.
On ne rote pas à table.
Il y a comme ça,
en l'espèce
une espèce de sadisme propre à notre espèce
et qui la distingue à coup sûr des animaux.
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Mais revenons-en à nos sauvageons errants, désespérés, qui par la force des choses prennent l'habitude de l'inactivité. Ainsi donc, progressivement, la pompe est désamorcée. La volonté est désactivée. Le goût de l'effort terni, tari. Et je crois qu'il est là le plus grave cancer, qu'elle est là la plus pire des maladies. Elle conduit au désœuvrement. Le désir s'en va, plus d'envie, plus d'espoir. Le désespoir alors n'est plus bien loin. Plus les jeunes sont au bord du désespoir et plus ils en deviennent fous furieux. Il y a tous ceux qui se suicident plus ou moins nettement, dont on se fout éperdument, parce que ça n'mange pas d'bruit dans le concert permanent de la gamelle en rut. Il y a donc ceux, en constante augmentation, qui se suicident (deuxième cause de mortalité chez les jeunes après la route), mais il y a tous les autres aussi, capables à tout instant de devenir soldats de la destruction, gratuite pour les uns, planche de salut pour les autres. Quand on est condamné à croupir dans les oubliettes d'un monde qui se fout de vous, au bout d'un moment, on n'en à plus rien à cirer de tout foutre par terre, pour tout recommencer, quitte à crever. Et tout peut survenir dans ce non-sens qui peut cramer comme de l'essence, à tout moment.
- Dernier barreau avant de mourir ?!! Alors autant que ça crépite.
- Quand on n'a plus rien à perdre de toute façon et qu'on a tous ces cons dans leurs cocons qui nous regardent crever à la télé, on se dit, tant pis. Si eux ne veulent pas partager, nous, ça ne nous dérange pas de partager avec eux la misère qu'on nous fait sur la tête, depuis temps d’années.
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Avec la multiplication des damnés, dans peu de temps, cela deviendra comme une marée, une vague déferlante.
Quelle digue pourra alors la contenir ?
Quel barrage ?
Quelle écluse ?
Quel îlotier ?
Quel grand frère manipulé ?
À quel prix ?
Mais de répondre que c'est trop cher toute cette chair sanguinolente à soigner, toute cette bouillie humaine qu'on a créée de toute pièce par fainéantise, par lâcheté, insouciance, amateurisme, et même, par méchanceté. Alors, citoyen, citoyenne... les mômes dans leurs quartiers se posent des questions.
- Mais c'est quoi citoyenneté ?
- Citoyens ! Citoyennes ! Si toi rien, pas citoyen. Et si toi reine, t'es citoyenne. La République est renversée comme une crème caramélisée.
- N'est pas citoyen qui veut alors ?!!
- Dans notre lavoir national, l'avoir seul détermine ta portion au droit de cité. Quant aux devoirs, c'est inversé. Plus t'en as des lovés, moins y'en a des devoirs. Moins t'en as des lovés, plus t'en as des devoirs. T'as qu'à voir à la télé.
- Les cartes du tripot sont marquées !!!
- De toute façon, un sauvageon, c'est pas plus pire qu'un paysan. Bon, c'est vrai, on brûle une caisse, on tague, on fout un peu le bordel. Mais les paysans, ça te crame un Parlement, ça te bisoute un Ministère, ça te bousille bien plus de trucs en une seule fois que nous pendant toute une année. Et pour finir, qu'est ce qu'on leur fait aux paysans ? On leur refile des subventions.
C'est ainsi que les sauvageons de service s'éternisent le soir dans les cages d'escaliers, aux murs tannés par la crasse.
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Où aller quand il fait froid ?
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À l'appart', le yoyo familial part en vrille, quand il n'est pas tout mort au bout de son fil. Il y a des tas de raisons à ça. Bonnes, mauvaises, voire un peu des deux à la fois, peu importe, il reste un fait, des mômes vous dis-je, des mômes se retrouvent dehors jusqu'à ce que le sommeil s'en suive, debout dans les courants d'air glacés. Les voisins crisent, par principe, excédés, par goût, manipulés, crevés, ou sur le point de crever. Couvre-feu en réponse, chantage aux alloc', loi d'exception, CRS-SS, gardes mobiles échauffées avant d'êtres lâchés.
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Après les parents,
les poulets auront bon dos.
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Quant aux gosses, ils ont tout le temps d'en prendre de la graine, de se bâtir une idée du monde où la violence paraît être la seule façon de survivre. À ce qui n'est souvent qu'un appel désespéré, les lâches et les ignorants répondent par la brutalité, une brutalité toute militaire, de choc. Et tout ça, pour s'éviter de prendre ses responsabilités, pour s'éviter de prendre le problème à bras le corps, tout ça pour s'éviter de maintenir une lumière toujours allumée, une porte à laquelle frapper sans être jugé, nuit et jour. Décidément, les sauvageons qu'on se fabrique n'ont peut-être pas tort de s'énerver ; et la fabrique de sauvageons tout énervés fonctionne à plein régime aujourd'hui.
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Ainsi va le pire au pas de l'oie, de la loi du marché à marche forcée - et peu importe après…
Nos dirigeants ne seront pas là pour le voir.
C'est là l'esprit dominant - point final.
Quand on est capable, à la vue de tous, de maintenir des milliers et des milliers d'étudiants dans une université contaminée par de l'amiante, université qui de surcroît est un infernal four crématoire, latent, on peut présager du reste, de ce qui se trame en douce sous le burnous quand il s'agit du fond de la gamelle.
Voilà plus de trente ans que les pouvoirs publics dissimulent leur cynisme derrière des nuages de fumée qu'ils nomment programmes, mesures, projets... Camouflage que tout ceci, foutaise, ignominie. Au mieux, ces effets de manches dissimulent juste ce qu'il faut d’arrières pensés et de mépris pour que rien ne réussisse vraiment. Qu'il n'est de regarder le misérabilisme des moyens mis en œuvre dès qu'il s'agit des plus modestes. Au mieux pires, ils ne font que renforcer le désœuvrement à l'œuvre.l'œuvre.
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Quand aux stages bidons
et autres caisses à savons,
bon,
c'est selon,
c'est selon les élections...
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Bernard-Alex