par Jean-Dominique Michel.
J’ai souvent eu l’occasion de citer dans ces pages les analyses de Christophe de Brouwer. Celui-ci, professeur et président émérite de l’École de santé publique de l’Université Libre de Bruxelles, publie discrètement sur sa page d’un célèbre réseau social des petites pépites qui fournissent bien des éclairages essentiels mais aussi -dois-je avouer- me mettent un petit pincement au cœur.
Pourquoi ? Eh bien simplement parce que j’y retrouve la qualité, l’intelligence et la bienfacture de l’analyse en santé publique bien pensée. Celle qui est faite avec rigueur et perspicacité, en respect des meilleures connaissances et méthodologies, et qui respire l’honnêteté et l’éthique.
Comment nommer -mais aussi faire comprendre- la dimension « madeleine de Proust » que me procure la lecture de ses excellentes analyses ?..
Car, la plupart des gens ne peuvent pas le mesurer, nous qui sommes du domaine de la santé vivons un satané ébranlement. Celui qui voit les meilleurs experts se faire dénigrer comme des malpropres ou des charlatans pendant que des experts sans grande compétence et sans âme (et parfois même ni foi ni loi !) sont tenus pour oracles par la masse perdue des décideurs.
On voit ainsi des médecins qui s’en fichent de soigner et mènent une guérilla d’enfer, calomnies à l’appui, pour dézinguer des médecins empiristes, expérimentés au possible, qui sont les meilleurs dans leur domaine et se targuent encore (sacrilège !) de soigner leurs patients, efficacement en plus !
Ou encore des « épidémiologistes » qui racontent tout et son contraire, soufflant le chaud et le froid dans de redoutables énoncés paradoxaux (comme Antoine Flahaut, énonçant presque dans la même phrase « nous vivons une psychose déraisonnable » et « il s’agit d’une des pires épidémies de l’histoire » !) Ou encore qui balancent des chiffres tout droit sortis de jeux vidéo et nourrissent sans conscience apparente une véritable terreur dans la population.
Ou certains médecins cantonaux censés sur le papier avoir de bonnes bases en santé publique et qui multiplient les mesures hasardeuses, inutiles, sans oublier de culpabiliser et de terrifier la population au passage. Ou encore envoient des courriers (à l’appui de mesures parfaitement anti-constitutionnelles comme la quarantaine préventive) d’une sidérante violence administrative.
C’est dire que retrouver les textes du Pr de Brouwer revient en quelque sorte à sortir du désert et retrouver la fraîche oasis et les dattes mûres de la bonne science.
Ce qui permet fort heureusement aussi de remettre les montres à l’heure. Ce qui n’est pas un luxe à l’heure qu’il est : les données mises en avant par nos autorités paraissent en effet presque tournées de sorte à en brouiller la lisibilité avec l’effet mécanique de maintenir la population dans un état de terreur.
Prenons par exemple le Rapport hebdomadaire COVID n°45 de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) tel que commenté par une observateur averti :
« Tests positifs en légère baisse, appelons cela une stagnation.
Hospitalisations en baisse, mais probablement plutôt en stagnation également.
La deuxième épidémie semble avoir atteint un plateau. L’inflexion de la courbe est partout identique quelles que soient les restrictions imposées à la population.
Peut-être nos dirigeants romands devraient-ils arrêter d’être gouvernés par la peur… Et sauver leur économie par la même occasion.
Intéressant de voir que proportionnellement au nombre de cas, l’on hospitalise et l’on meurt moins à Zurich qu’à Genève ou Vaud… Peut-être que l’on respire mieux sans masque? Ou la population est plus résistante? Ou alors, la médecine y serait-elle de meilleure qualité? Mieux organisée?
Impossible d’analyser car les chiffres romands sont opaques, filtrés par les autorités et incomplets…
Je suis toujours fermement opposé aux mesures de fermetures, obligation de masque, etc… La limitation du nombre de participants aux événements est une bonne chose, de même que l’incitation à la prudence. »
ou encore remis à plat par un autre observateur averti :
« Bon, parlons de chiffres.
- 0,032% de mortalité pour 100000 habitants en 14 jours.
- Âge médian des personnes hospitalisées : 72
- Âge médian des personnes décédées : 85
Précisons que l’espérance de vie en Suisse est de 82,7 ans.
- Le nombre de lits en unité de soin intensifs (USI) baisse depuis le mois mars
- Le 94,8% des personnes décédées souffraient déjà de maladies diverses.
De quel virus la Suisse est elle atteinte ?
Le peur, la bêtise ou l’ignorance ?
Il est temps de vivre, de se voir, se toucher et se nourrir culturellement. VIVEZ !!! »
Christophe de Brouwer aborde ici la comparaison, essentielle, entre le Covid-19 et la grippe Influenza. Une comparaison, insistons, en termes de santé publique. Depuis le mois de mars, « on » nous brandit en effet sous le nez des cas tragiques mais heureusement rares ou même anecdotiques pour disqualifier la solidité des données.
Il ne s’agit bien sûr pas (j’ai dû l’écrire déjà 25 fois, mais la précaution mérite d’être répétée) de nier la réalité des cas graves ni du calvaire que constitue une réanimation invasive.
Mais il est étonnant de voir comment les repères naturels ont été fracassés par des mois de terreur collective, au point que nous ne savons plus grand’chose de la normalité épidémique. Je me permets donc encore trois petits rappels préalables :
1/ L’influenza n’est en rien une « grippette » ! Même si comme avec le Covid-19 il se trouve un nombre important de personnes infectées asymptomatiques, la vraie grippe est la plupart du temps une expérience qui secoue. C’est quinze jours de lit avec jusqu’à 41° de fièvre, des maux et des courbatures comme si on s’était affonté sur un ring avec Mike Tyson et l’impression par moments d’avoir son cerveau dans une poêle à frire !
2/ Elle provoque des décès dans toutes les tranches d’âge et catégories de la population, notamment bien plus parmi les nourrissons, les enfants et les jeunes gens que le Covid-19 !
3/ Elle est responsable de pertes fluctuant d’année en année en fonction de la virulence des souches et de l’état de santé de la population, notamment âgée.
Pourquoi est-il important de comparer la grippe Influenza et le Covid-19 ?
Eh bien parce que d’une part -je l’ai dit dès le mois de mars- le traitement médiatique halluciné (et irresponsable) appliqué à une épidémie habituelle d’Influenza pourrait provoquer exactement le même type de psychose collective que celle que nous vivons actuellement.
Si donc le Covid se situe bien (comme je le dis aussi depuis le mois de mars malgré les dénégations hargneuses des autorités) dans l’ordre de grandeur des épidémies d’Influenza, il est simplement urgent de retrouver le sens des réalités et de sortir de cette bouffée délirante des autorités politiques et sanitaires ainsi que médiatique !
La phase épidémique, que nous subissons actuellement, est en train de s’éteindre. Fin de ce mois, ce devrait être terminé, nous devrions être sous la barre des 150 nouveaux vrais cas par 100 000 habitants (au sens médical), niveau normal d’un seuil épidémique. Cela ne veut pas dire que le virus n’est plus là, mais il va se confondre dans son comportement avec tous les autres virus saisonniers hors poussée épidémique.
(Vous savez comme moi que l’appellation « cas » par nos autorités, ne couvre absolument pas des « cas » au sens médical (des malades), mais couvre en majorité des personnes asymptomatiques. Ceci relève quasi de la manipulation des populations.)
La question devient complètement pertinente de savoir si la poussée épidémique que nous connaissons actuellement se différencie d’une poussée épidémique banale de « grippe ».
Quels critères ?
-
Mortalité générale.
-
Létalité du virus.
-
Infectiosité du virus.
-
Durée de la phase épidémique.
Prenons les choses à l’envers.
Nous devons prendre un critère qui est celui du seuil épidémique. Si nous prenons le critère normal de 150 nouveaux cas-malade /100’000 habitants, comme pour les grippes, alors :
La durée de la phase épidémique a été de 8 semaines en mars-avril-mai. Elle sera également, selon ma prévision, de 8 semaines pour la poussée épidémique octobre-novembre. Les durées épidémiques saisonnières des grippes se situent entre 6 et 8 semaines selon L. Toubiana, mais peuvent durer jusqu’à 11 semaines selon certaines études. Il n’y a donc pas ici de différence réelle.
L’enjeu : Bien entendu, si vous prenez le critère de 50 nv cas-malades/100k, c’est tout l’automne-hiver-printemps qui sera en phase épidémique quasi permanente pour tous les types de grippes saisonnières, ou plus absurde encore, le critère de 50 cas-asymptomatiques maximum par jour : ce sera toute l’année. Mais on en est là dans la manipulation des populations, car c’est volontaire.
Nous avons une publication de l’OMS qui met un point assez final sur la question pour le moment. Il serait de 0,27 % (corrigé 0,23%). Il n’y a donc pas de différence réelle avec les grippes (0,3-0,5%), même peut-être un peu moins.
L’enjeu : Avec la publication de l’OMS, l’enjeu qui avait fait fureur entre apocalypse et raison, a disparu en faveur du raisonnable.
On le calcule à travers le « taux de reproduction (Rt), en anglais le « reproductive number ». Je vous reporte sur wikipedia pour sa signification. Plus il est élevé, plus facilement le virus se transmet. On le fait à travers une modélisation de l’épidémie. On doit donc être très prudent quant à son interprétation, c’est du conditionnel. On le calcule sur base des nouveaux cas-malades. C’est ainsi qu’on procède par exemple en Allemagne. Mais en Belgique ou en France, comme les « cas » couvrent en grande majorité des asymptomatiques, cela n’est pas possible. Alors ces pays recourent à des méthodes alternatives pour approcher la donnée, conceptuellement erronée, basée sur les nouveaux hospitalisés. Donc un modèle sur un modèle. On s’éloigne de plus en plus de la réalité.
Pour des maladies comme la rougeole, la varicelle, la coqueluche, le R(t) se situerait entre 10 et 20. Pour des maladies comme les oreillons, la rubéole, la diphtérie, le R(t) se situerait entre 4 et 10.
Pour les grippes (terme générique), le R(t) se situerait entre 1,2 et 4.
De façon plus précise, pour la grippe influenza, le R(t) se situerait entre 1,2 et 2. (d’autres études proposent 1,5 et 2,5)
Qu’en est-il pour le sars-cov-2 ?
Question pour le moins difficile.
Les épidémies précédentes de sars auraient montré un R(t) d’environ 0,8 à 1,1, soit généralement incapable de générer une épidémie de quelque importance.
Ce n’est pas le cas ici.
Cependant les enjeux politiques de cette question sont considérables car elles touchent l’efficacité des mesures non médicales (non-pharmaceutical intervention : NPIs) que des gouvernements ont pris pour lutter contre l’épidémie (lock-down, masques, etc.). Ces enjeux rendent les données scientifiques réellement suspectes. On l’a bien vu avec le tristement célèbre lancet-gate.
Le plus simple est de se tourner vers des données qui ne seraient (?) pas trop influencées par l’enjeu politique liés au NPIs. Nous avons l’exemple du Diamond Princess et de la Suède.
1. Le 22 janvier, l’OMS calculait un R(t) à Huan en Chine de 1,95 (1,4 à 2,5). La publication n’est plus disponible ! La prise de mesures à Huan est attribué au 22 janvier, donc la donnée proposée par l’OMS couvre une période avant lock-down. D’autres études à Huan pour la même période plaçaient le R(t) à un niveau légèrement supérieur, généralement entre 2 et 3.
2. Les données recueillies à partir du Diamond Princess, dans une situation où les personnes étaient plus âgées que la population générale et dans un cadre fermé surpeuplé par rapport à nos villes: Le R(t) a été estimé à 2,28.
3. Les données Suédoises. Le R(t) estimé en Suède, au début de l’épidémie est de 1,67. Public Health Agency of Sweden. On retrouve des données identiques dans une publication de l’Unif de Stanford:
On peut trouver des tas de données contradictoires du R(t), et forcément quand il s’agit de démontrer l’utilité des NPIs, mais en réalité, la seule conclusion raisonnable est de dire que le R(t) de sars-cov-2 est dans le ‘range’ des « grippes génériques » d’une part, et qu’il ne se différencie pas ou peu des grippes-influenza.
L’enjeu : je me répète, l’enjeu portant sur le taux de reproduction est considérable pour les gouvernements du lock-down. Mais l’examen attentif et honnête des données, là où le lock-down ne fut pas pratiqué ou pas encore, dégonfle réellement cette baudruche (le lock-down).
L’examen de cette variable, véritable juge de paix en santé publique, montre des pays, pourtant touchés par le sars-cov-2, où l’incidence sur la mortalité générale n’est pas statistiquement significative (Autriche, Danemark, Estonie, Finlande, Allemagne, Grèce, Hongrie, Norvège) et d’autres où la situation fut et est préoccupante (Belgique, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Espagne, Angleterre, Écosse). Vous verrez que la situation de la Suède est particulière, car si la situation fut préoccupante en mars-avril, elle ne l’est plus pour octobre-novembre.
Le plus simple est d’aller regarder le site Euromomo, par pays (pour comprendre le Z-score, méthode permettant une comparaison entre pays, je vous reporte sur wikipedia).
D’où, la question est : pourquoi de telles différences entre pays ?
En conclusion, d’une part la poussée épidémique que nous connaissons actuellement ne diffère en rien des poussées épidémiques grippales banales (de moyenne intensité). Les mesures de limitations de nos libertés actuelles ne se justifient en rien. Elles doivent être levées en urgence.
Et donc la question finale est de comprendre pourquoi une telle politique dans certains pays et pas dans d’autres, pour des résultats qui vont dans tous les sens, c’est-à-dire qui sont incapables de conclure sur l’efficacité des politiques NPIs (mesures autoritaires non-pharmaceutiques) les plus dures, en termes de privation de liberté des populations. Au contraire, l’exemple de l’Allemagne est probant. Il y a donc une ou des raisons purement ‘politiques’ qui nous échappent. De ce point de vue, le grand mérite du documentaire Hold-Up est d’essayer d’apporter des amorces de réponses. Et les réactions immédiates et souvent hystériques, contre ce documentaire montrent que cette approche est la bonne, même si nous devons rester critique.