Après 8 ans de terreur, Alep est enfin définitivement libérée.
Finie la peur des roquettes qui tombaient au hasard sur la ville, fauchant vie après vie, jour après jour. C’est la fin de l’occupation du nord-ouest de la Syrie par des groupes terroristes, la fin de l’arbitraire des groupes armés, des vols, viols, des tribunaux pseudo-islamiques.
Mais nous ne pouvons partager cette joie. Même si le mur de la propagande se fissure, les faiseurs d’opinion font toujours cause commune avec les « rebelles » .
C’est le moment d’un bref rappel des faits.
Je m’adresse ici à tous ceux, en particulier les journalistes, universitaires et militants politiques, qui ont soutenu la « rébellion ».
Il y a 9 ans, une insurrection a eu lieu en Syrie, contre le pouvoir baathiste, dans le contexte des « Printemps Arabes ». Toute la classe politique et médiatique s’est immédiatement enthousiasmée pour ces « révolutions » qui allaient apporter enfin modernité et démocratie à des pays que vous considériez comme arriérés.
En quelques semaines on a vu apparaître un langage que nous subissons toujours : le gouvernement syrien est devenu « le régime de Bachar ». Régime, nizam, regime, regimen, dans toutes les langues. Et en face de lui, des rebelles, rebels, rebeldes, rebellen, thuwar en arabe, des « révolutionnaires ». Vous avez clairement pris parti pour un camp contre un autre.
Est-ce cela qu’on apprend en école de journalisme ?
Ah, mais répondez-vous, on ne peut pas traiter de la même façon la barbarie du régime et les malheureux rebelles.
Mais, dites-moi, en école de journalisme on apprend pas à vérifier, croiser ses sources ? Vous devriez sans doute réexaminer les crimes dont on accuse Assad. La plupart de ces crimes, comme le massacre de Houla ont été commis par votre « rébellion ». Le rapport César ? Une suite de photos de cadavres qui ne prouve rien. Les attaques chimiques ? Bidonnages. À chaque fois vous avez choisi de donner la paroles aux « rebelles » et jamais au « régime ». Vous avez soigneusement écarté le travail de journalistes comme Seymour Hersh, Robert Fisk, Vanessa Beeley, etc. Vous avez choisi d’occulter les crimes atroces d’une rébellion qui dès le début était sectaire.
Les Frères Musulmans, informateurs pour Libé
Vous avez choisi un camp, dans une guerre qui a dévasté un pays qui n’est pas le vôtre. Vous rendez-vous compte de la gravité de ce que vous avez fait ? Pour certains, employés de l’état, agents de divers services, vous n’avez fait qu’obéir à vos ordres. Rappelons que l’état français l’a soutenue et armée, votre « rébellion ». Mais vous, les autres, les clampins, qui avez fait corps avec l’état, avec BHL, avec les États-Unis, avec Israël et l’Arabie Saoudite ? Vous qui n’avez rien gagné à soutenir ces terroristes ? Comment vous pardonner ?
Parce que vous êtes nombreux peut-être ? C’est justement ça le plus horrible. Combien se sont opposés à la guerre ? Combien ont gardé leur sang-froid et ont résisté face à la plus gigantesque machine de propagande de guerre jamais imaginée ? Très peu. Certains ont perdu leur job, beaucoup se sont fait écarter, placardiser, « cancelled » comme on dit sur Twitter.
Ne sont restés, en plus des agents dûment rétribués pour pratiquer leurs opérations de guerre psychologique, que les égotiques, les lâches, les suivistes et les imbéciles. Le problème étant que ces catégories étaient déjà surreprésentées dans les métiers du journalisme ou de la politique. Ceuxlà ont fait le même travail que les premiers, mais gratuitement.
Laissez-moi vous raconter les choses de mon point de vue. En 2011 nous disions : « ce n’est pas une révolution, c’est une opération de changement de régime dirigée par les États-Unis, Israël et l’Arabie Saoudite. Les plus grands ennemis de la Syrie sont ces pays, tout changement de régime se fera à leur avantage. La seule opposition structurée et armée, ce sont les Frères Musulmans. S’ils prennent le pouvoir en Syrie, c’est la catastrophe, car la Syrie est une mozaïque de peuples et de religions, le pire qui puisse arriver à ce pays est un pouvoir sectaire.»
Vous nous avez traité de complotistes. Vous vous abreuviez de bidonnages qui présentaient la rébellion comme des héros romantiques, et jamais vous n’avez montré les images que les groupes terroristes filmaient eux-mêmes pour recruter.
Nous on les a vues, ces images.
Des barbus sur des tanks, appelant à tuer tous les chiites.
On a aussi vu votre « armée syrienne libre » manger le foie d’un soldat de l’armée syrienne, décapiter à tour de bras, et puis on a écouté les témoignages des Alépins traumatisés par l’arrivée de barbares qui n’ont apporté que vols, viols, pillages en guise de « liberté ».
Silence de votre côté. Ou alors « c’est la propagande de Bachar », avec ce vocabulaire enfantin qui vous a tant déshonoré. Moi en tous cas, je sais faire la différence entre des images mises en scène et des images prises sur le vif. Visiblement ce n’est pas votre fort ! Pourtant les bidonnages des Casques Blancs ou de M. Alhamdo, ou la petite Bana qui twittait en anglais à 8 ans depuis les zones bombardées, ça se voyait que c’était bidon.
Les Russes vous ont ridiculisés en posant des caméras qui diffusaient en live la sortie des civils, dans les zones libérées par l’armée syrienne. Aucun bidonnage possible. Ah mais j’oubiais, Russia Today, c’est la télé de Poutine, le comble de la propagande ! Les civils que vous disiez « massacrés par les nervis de Bachar » chantaient « Dieu est avec l’armée arabe syrienne », et témoignaient spontanément de ce qu’ils avaient subi de la part des terroristes que vous protégiez.
Les massacres de civils dont vous nous rabattiez les oreilles n’ont jamais eu lieu. Les terroristes se sont à chaque fois battus jusqu’au bout, encouragés par vous. L’état syrien a essayé toutes les voies de négociation, et leur a toujours laissé une porte de sortie. Ils ont tous été envoyés à Idlib, parce que c’est la sortie vers la Turquie d’où ils sont arrivés. Mais maintenant, il faut partir d’Idlib aussi.
Vous rendez-vous compte que depuis des années, Idlib est une région sous contrôle d’Al Qaïda ?
Non, non, vous ne nous ferez pas croire que de gentils libertaires ont le moindre contrôle sur la population d’Idlib. Ceux qui contrôlent, c’est ceux qui tiennent les armes. C’est HTS qui tient le haut du pavé, à savoir un avatar d’Al Qaïda.
Vous savez, Al Qaïda, ceux qui ont massacré la rédaction de Charlie ?
Et bah alors, vous n’êtes plus Charlie ?
Vous ne pouvez pas être Charlie d’un côté (quoi que ça puisse vouloir dire), et de l’autre déplorer la fin d’Al Qaïda en Syrie. Comment ?
Je caricature ?
Même pas. Les territoires libérés sont pleins de pancartes qui respirent la liberté : « les chiites sont les ennemis de l’islam » « les femmes doivent être couvertes jusqu’aux ongles » « les hommes doivent porter la barbe » « les chansons sont interdites » …
C’est ça que vous avez protégé ? C’est ça que vous avez appelé « liberté » ?
Mes pauvres chéris, vous vous êtes engagés dans une guerre, et vous l’avez perdue. Et vous ne pouvez pas revenir en arrière, c’est trop tard ! Et qui vous dit que vous serez protégés ad vitam aeternam ? Vous savez, les choses bougent. Il n’est pas impossible qu’un jour ceux qui ont alimenté cette guerre soient jugés.
Vous nous avez empêché de pleurer les victimes de votre révolution islamiste, et vous nous empêchez encore de fêter les victoires syriennes. Votre pire crime, c’est l’utilisation honteuse des enfants. Dans votre délire, l’armée syrienne, qui a en face d’elle des tanks et des missiles, ne se bat que contre les civils, surtout les enfants. Par sadisme, parce qu’ils sont vraiment très méchants.
Votre utilisation pornographique d’images d’enfants morts dans le but de diaboliser l’armée syrienne fait de vous des monstres. Il n’y a pas d’autre mot. Vous vous êtes vraiment trempé les mains dans le sang des Syriens.
Le public lambda a vite décroché, c’était sans doute le but. Il valait mieux dire que c’était « très compliqué », et passez votre chemin. Pourtant très nombreux sont ceux qui, sans même comprendre la situation, savaient que vous mentiez.
Parce que vous mentez mal, et vos procédés sont sales. La censure a été féroce, la liberté d’expression s’est réduite, tout le monde le voit. Vous savez bien que les gens ordinaires vous haïssent. Parce que vous êtes les chiens de garde d’un pouvoir odieux. Le niveau est tombé tellement bas en quelques années. L’idée même de dignité paraît incongrue. Vous vous avilissez, et vous nous avilissez, chaque jour un peu plus.
Le public lambda ne fait pas forcément le lien entre la décrépitude actuelle et la guerre de Syrie, pour moi il est évident. Depuis 2011 la société entière est accablée de mensonges et d’injonctions contradictoires, de vulgarité et de haine. C’est ce qui arrive quand toute la bourgeoisie intellectuelle française prend parti pour des coupeurs de tête fanatiques d’un côté, et d’un autre côté se dit écologiste et féministe. Et n’oublions pas qu’en 2014 vous vous êtes aussi tous engagés du côté de l’extrême-droite ukrainienne, pour soutenir un coup d’état qui a mis des néo-nazis au pouvoir dans ce pays !
Alors encore une fois, on ne peut pas d’un côté se faire passer pour antifasciste et d’un autre côté prendre parti pour des néonazis. Et là je m’adresse aux néo-militants de la vaste escroquerie qu’est le gauchisme 2.0 : vous vous étonnez de ne pas attirer les foules ? Qu’avez vous fait pour nous ? Vous lancer dans la croisade de l’anti-conspirationnisme et nous traiter de fachos, à l’unisson de BHL et Rudy Reichstadt, ce n’est pas ce qu’on attendait de vous. Traiter Chouard, un authentique anarchiste, de facho, on attendait pas ça de vous. Vous avez choisi le camp du pouvoir qui censure, ce qui fait que vous n’avez jamais défendu la liberté d’expression à un moment où elle était menacée, et vous avez bien sûr oublié de défendre Julian Assange. Vous avez traité des gens biens de fascistes et vous n’avez jamais dit un mot sur les néo-nazis ukrainiens ou les Frères Musulmans. Et pour la Syrie, vous avez parfois ouvertement collaboré avec des groupes armés. Vous ne vous passionnez que pour des histoires de LGBT qui ne concernent pas grand monde, alors qu’il se passe des choses extrêmement graves. Bref, vous ne servez à rien à part divertir et diviser les gens. Votre malveillance et votre inutilité ont été criantes avec les Gilets Jaunes. C’est pour ça que je prédis un avenir sombre à vos boutiques.
Vous nous avez fait honte. Et nous, secrètement, nous nous inspirions de l’héroïsme des vraies victimes de cette guerre, de l’image de dignité absolue que nous offrait la Résistance. Merci à la Résistance, merci à toutes les forces qui ont donné un exemple de dignité au milieu d’une guerre si laide. Dans votre petit esprit borné, ce que je dis là, c’est du bacharisme, c’est faire l’apologie du dictateur, n’est-ce pas ? Je suis français, ce n’est pas à moi de dire qui va gouverner les Syriens.
C’est aux Syriens de décider. Si les Gilets Jaunes étaient devenus prétexte à une invasion de la France et au massacre d’innocents par des mercenaires payés et armés par des puissances étrangères, les seuls qui parleraient encore de « révolution » seraient les complices de ces puissances.
Les Syriens vont donc reconstruire leur pays et choisir leur destin seuls. Vous aviez voulu faire d’Assad un monstre, je crains que vous n’en ayez fait un héros pour des générations. Et moi, ce dont je me réjouis, c’est de la défaite des Frères Musulmans, de la chute du Qatar, de l’Arabie Saoudite, le rêve brisé d’Erdogan, tous ces dollars qui n’auront servi qu’à précipiter la chute de l’Empire otanesque maudit qui détruit pays après pays depuis trop longtemps. C’est de ça dont je me réjouis. Et aussi de votre déchéance.
Pour conclure, revenons à la joie de savoir la population d’Alep, qui a tant souffert, enfin débarrassée de vos petits copains terroristes modérés.
Espérons que cette guerre se termine un jour ; mais pour cela il faudrait que vous arrêtiez de parler de ce pays, ils faudrait que vous oubliez ce pays, dans lequel vous ne serez jamais les bienvenus. Et qui, s’il veut changer de président, se débrouillera tout seul, sans vos dollars, vos inghimassis, et vos mensonges. Wa shukran.
Vincent Lenormant
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