D’une façon générale, on comprend la situation du monde, dans son aspect chaotique, simulacre, irresponsable. La plupart des principaux acteurs de ce cirque à la fois tragique et bouffe, qui sont essentiellement du côté de la civilisation occidentale proprement dite (ditto, bloc-BAO), suivent un comportement complètement accordé à un simulacre général, et selon les règles du déterminisme-narrativiste que nous avions définies à l’occasion de la crise ukrainienne lors de sa phase paroxystique. Certains y croient (au simulacre), d’autres se forcent à y croire, d’autres encore (les acteurs américanistes essentiellement) se fichent complètement de savoir s’il s’agit ou pas d’un simulacre, du moment que cela correspond à la satisfaction de leurs intérêts, de leur rapacité et à leur hybris.
Dans ce cadre général, la Russie est l’acteur à la fois le plus actif, et à peu près le seul à montrer un sens des responsabilités parce qu’il n’ignore pas que toute tangente vers un conflit ouvert, essentiellement avec les USA, conduirait à un conflit nucléaire avec la très-grande possibilité des conséquences extrêmes qu’on sait. Pour cette raison, les Russes montrent une très grande retenue dans leurs actes, une très grande patience dans leurs interventions de communication, – que certains estiment épisodiquement être de la pusillanimité, de la crainte, sinon une faiblesse extrême confinant à la lâcheté ou à l’impuissance. On peut certes juger de cette façon, mais on ne peut pas laisser entendre que l’extrême prudence et la patience que seuls les Russes montrent devant le risque d’un conflit nucléaire, donc le risque d’une destruction mutuelle sinon d’une destruction de la civilisation, soient en soi en eux-mêmes et dans ces circonstances un et l’autre de ces traits qui leur sont reprochés (lâcheté, impuissance).
Il est vrai que les Russes sont dans une position inconfortable, pas vraiment pour une raison de puissance ou de capacités insuffisantes, mais simplement parce qu’ils sont les seuls à montrer en toutes occasions un sens de la responsabilité. Par ailleurs, cette attitude a ses limites, puisqu’à un certain point, à laisser faire les autres sans réagir avec l’extrême fermeté des armes on risque d’être défait. Plusieurs fois, on a cru ce point proche d’être atteint pour la Russie, chaque fois dans des conditions plus délicates, à cause de la dégradation des conditions intérieures de certains des acteurs, avec accroissement de leur irresponsabilité.
Nous nous trouvons à nouveau dans une de ces circonstances, et là encore avec cet aspect d’un dangereux affaiblissement des situations intérieures de différents acteurs, notamment sinon essentiellement les États-Unis. On a alors une mesure de l’évolution psychologique des Russes lors de trois interventions de communication, le choix des mots et l’intensité du propos mesurant une démonstration peut-être plus évidente et s’imposant d’elle-même que calculée d’une patience qui est en train de parvenir à son point de rupture. Cela concerne la situation en Syrie, où les Russes sont directement engagés.
La première de ces trois interventions est celle du porte-parole de Poutine, Dimitri Pechkov, pourtant bien connu pour ses déclarations apaisantes, sinon complaisantes et lénifiantes. Cette fois, le ton change dans cette intervention qui suit l’annonce par Erdogan, hier, de l’intention de la Turquie de lancer son armée dans une offensive de renforcement d’Iblid, où elle pourrait affronter directement et sur une échelle importante l’armée syrienne.
« « S’il s’agit d’une opération contre les forces terroristes à Idlib, ce serait certainement dans l’esprit » des accords de la Russie avec la Turquie, a déclaré[Pechkov]. « Mais s’il s’agit d’une opération contre les forces armées syriennes légitimes, ce serait certainement le pire des scénarios ».
La Russie et la Turquie se sont mises d’accord sur le processus de désescalade à Idlib, le dernier bastion des forces anti-gouvernementales en Syrie. Selon l’accord dit de Sotchi, la Turquie est censée utiliser son influence parmi les groupes armés pour réduire et finalement arrêter les attaques depuis l’intérieur de la province. L’accord a été pris comme une alternative à une offensive militaire majeure de Damas, qui, selon Ankara, provoquerait un exode important de réfugiés de Syrie vers la Turquie.
« En réalité, cela ne s’est pas produit », a déclaré Pechkov.
« Nous étions satisfaits des accords qui ont été conclus à Sotchi il y a plus d’un an et la satisfaction était mutuelle. Nous n’avons absolument plus été satisfaits après que des militants et des groupes terroristes aient commencé à lancer des attaques depuis le territoire d’Idlib contre les forces armées syriennes et les sites militaires russes », a-t-il déclaré. « C’est à ce moment que notre satisfaction a pris fin ». »
La deuxième intervention est celle du porte-parole du ministère russe de la défense, pour commenter l’attaque israélienne contre Damas de la semaine dernière, qui a été effectuée au moment où un Airbus A320 civil allait se poser sur l’aéroport de la capitale syrienne ; le A320 a été obligé de se détourner en catastrophe vers un autre aéroport dans des conditions extrêmement dangereuses pour l’avion et donc les passagers civils qu’il transportait. C’est Gordon Duff, de Veterans Today, qui cite le commentaire officiel et souligne sa dureté :
« « Tel Aviv est parfaitement au courant des routes aériennes et de l’activité aérienne des civils autour de Damas, de jour comme de nuit, et de telles attaques imprudentes prouvent que les stratèges israéliens ne se soucient pas des éventuelles victimes civiles, a déclaré le porte-parole du Ministère de la Défense, le Général Igor Konachenkov ».
La Russie a fait preuve d’une grande patience avec Israël depuis très longtemps et le langage utilisé par le Général Konachenkov est un changement distinct à cet égard ».
Troisième intervention, celle du ministre russe de la défense Sergei Shoigou, qui se trouvait mardi en visite d’État à Rome. Il a commenté dans des conditions non précisées, mais selon un langage également très dur tel qu’il est rapporté spécifiquement et précisément par des sources officielles russes, le comportement des USA en Syrie, là où se trouve le pétrole…
« « Les champs de pétrole… sont contrôlés par les États-Unis. Il y a un pillage éhonté et impudent des richesses qui appartiennent à la Syrie et au peuple syrien », a déclaré Shoigou.
Il a souligné que ce vol de ressources, combiné à un régime de sanctions américaines extrêmes, crée des conditions horribles pour la population civile qui doit faire face à des températures hivernales glaciales. « La plupart des gens, qui souffrent maintenant en Syrie, ont besoin de chaleur, d’eau chaude et d’électricité, qui, – comme nous le comprenons, – proviennent d‘hydrocarbures dont l’approvisionnement est interdit dans ce pays », a ajouté le ministre ».
On dira qu’il ne s’agit que de paroles et du ton de ces paroles, mais on ne peut écarter l’évidence que ces paroles et leur ton commentent des événements pressants et à potentialité explosive qui sont actuellement en cours. Ce qui nous impressionne le plus, finalement, c’est l’absence de ce qui est fait pour impressionner facticement ; c’est-à-dire l’absence de la recherche d’un effet de communication, – ce qui indique en général qu’on veut en rester à la seule communication, même si la situation est difficile.
Ici, il s’agit de démarches sans liens directs entre elles, sinon celui de refléter un climat général qui est en train de s’installer au sein de la direction russe, nous dirions presque spontanément. Même si Pouchkov ou Konachenko sont intervenus avec sans doute l’instruction plus ou moins directe, plus ou moins exprimée, d’avoir des paroles dures, ils ne sont pas nécessairement coordonnées, et pas plus avec le ministre Shoigou au même moment. Notre sentiment est bien qu’ils ne le sont pas expressément, mais que leurs interventions, qui prennent pour cibles les trois principaux acteurs agissant contre Assad et soutenant en sous-mains les terroristes djihadistes tout en affirmant qu’ils les combattent, cristallisent une exaspération qui touche tous les responsables de la sécurité nationale russe.
Nous dirions ainsi qu’il n’y a pas une consigne expresse de l’un ou l’autre, – c’est-à-dire essentiellement Poutine, – mais l’expression d’une attitude consensuelle à laquelle Poutine lui-même est fort probablement partie prenante. Cette présence de Poutine dans un concert collectif est sensible dans la déclaration de Pechkov, qui fait part d’un mécontentement russe qui n’étonnera personne, mais sur un ton assez tranchant, avec la recherche d’une tournures des phrases autant que du choix des mots faits pour affirmer une présence fondamentale, qui est celle de la force russe, partie prenante en Syrie, et partie qui pèse d’un poids considérable et qui n’est pas satisfaite du tout, d’une façon qui fleure l’ultimatum : « Nous étions satisfaits… […] Nous n’avons absolument plus été satisfaits… […] C’est à ce moment que notre satisfaction a pris fin… »
Ce faisant, les Russes signifient dans tous les cas, – alors que certains doutes avaient été émis à cet égard ces dernières semaines, – qu’ils sont à fond derrière Assad dans son offensive vers Idlib, qu’ils ne sont pas loin de considérer, au-delà des accords de Sotchi et puisque la Turquie ne les respecte plus, que cette région illégalement occupée par les Turcs ou les protégés des Turcs, doit revenir à la légalité syrienne. Plus encore, et en fonction de la démonstration faite ces derniers jours où les Russes ont frappé très fort après la destruction de deux hélicoptères syriens pour avertir qu’ils ne veulent pas que les terroristes islamistes reçoivent un armement avancés, les Russes signifient la possibilité d’un engagement maximal de leur part en soutien des Syriens ; on n’est plus très loin d’ajouter : « si, pour cela, ils doivent se heurter directement aux Turcs et aux forces US qui s’emploient à semer le désordre et à piller les Syriens, qu’il en soit ainsi… »
… En d’autres mots et pour faire place nette dans le raisonnement, nous dirions qu’il y a, pour les Russes, quelle que soit leur capacité de patience et de prudence, un point où le duo Erdogan-Trump et ses palinodies devient insupportable. Les Russes ont noté, grâce aux démonstrations iraniennes, que les forces US se font très facilement prendre au piège et que la guerre n’éclate pas pour cela. L’enseignement vient peut-être à point pour que la prudence et la patience soient à leur terme pour ne pas devenir un signe mortel de faiblesse.
source : https://www.dedefensa.org/article/danse-autour-de-la-patience-russe
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